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Ecrit de Pier-Mayer Dantec

Le Cabaret du Bleu Silence
Poème théâtral

(texte déposé)


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Cabaret [extraits]
contact@pier-mayer-dantec.fr

Pier Mayer Dantec : le Cabaret du Bleu Silence - Le clochard Célexte

Au cabaret du bleu silence
On voit des couples qui balancent
Leur corps où coule une musique,
Et dans le puits anamnésique
De leur être réconcilié,
Ces acteurs plongent par milliers
Leurs doigts trempés de fantaisie :
Et ils mangent leur hérésie.

Une inaugurale musique
Les convie à l’entrée en scène :
Là, un à un, chacun promène
Son corps qui défie la physique.

Et quand un comédien s’avance,
Celui qui juste le précède
Se fige tout net et lui cède
La scène ensemble avec… la chance.

Et ainsi, le plateau se peuple
De personnages pétrifiés,
Humains de bois, muets, statufiés
Qu’un très ancien mystère peuple...


Seule, fatale, évaporée
Evanescente, impénétrable
Une femme se mire à table
A l’angle droit du cabaret.

Mue par leur jeu d’ondes subtil
Celle que d’aucuns espéraient
Se lève, enfin, et vient errer
Entre les corps, vague éthérée,
Couseuse d’ombres, reine futile.

Elle les toise et les retoise,
Tend vers l’un une main frileuse,
Se recule et joue la poseuse,
Caricature de bourgeoise.

Les pans de sa robe châtain
Captent tous les feux qui rutilent,
La marcheuse de l’inutile
Promène un air vague et hautain...

Or nous parvient comme en sourdine
Le son d’un poème mystique :
Et celle qu’on croyait sceptique
Prend tout le charme d’une ondine.

Car l’on connaît que cette voix
Depuis l’autre côté du monde
Vient de l’être qui vagabonde
Là, entre les momies sans voix.

Alors les acteurs magnanimes
Que n’effleure plus nulle peur
Sortent joyeux de leur torpeur,
Et la musique les ranime.

Ils virevoltent, tournent, dansent
S’approchent, raccrochent à la vie
Se magnétisent, se font envie
Et jouent de toutes les cadences.

Et dans l’embrasement du jeu
Le spectateur ébouriffé
Ne remarque pas que se fait
La paix, et le calme neigeux :

Les comédiens ont disparu,
Mais on peut suivre la cliente,
La vaporeuse récitante
Montrant une ardoise à la rue ;

Elle convie au bleu silence
Les spectateurs dans le parterre,
Le temps redouble de se taire :
“Chut !... Le spectacle commence.”

C’est ce qu’on lit sur le tableau
Noir souligné d’un filet d’or
Que notre pythonisse arbore
Et agite tel un falot.

Puis, comme émanant de son dos
(Comme à sa table elle est passive !)
Vient une mélodie lascive
Pleine et gorgée tel un fado.

On voit des serveuses pubères
Dont le sourire emplit les verres
Chalouper leurs hanches sommaires
Vers des clients imaginaires :

La suggestion, voilà leur art,
Et les acteurs remuent les fils
D’une pantomime où défilent
Clowns, funambules et clochards...


Une trompette souffle-bulles
Explore en notes rougeoyantes
L’esprit de l’Eros qui la hante
Et qui tente des funambules :

L’instrument tend le long des airs,
Nu et seul comme en un désert,
Les filins de sa nostalgie,
Et par sa suave magie,
Comme tirés d’un rêve étrange
Au grenier céleste où s’engrangent
Archétypes et effigies,
Deux funambules que régit
La fascination des mystères
S’élancent, tanguent dans les airs.

Lui, lutteur royal bleu et or
Sous sa casquette de Gavroche,
Et qui berce sans anicroche
L’ombre furtive de la Mort ;

Elle, Colombine de grâce
Et dont la chevelure brûle
En crinière et en tentacules
Autour du masque qui agace
Et tracasse l’identité
En accouchant sa vérité.

Ils s’embrassent en se frôlant
Et croisent leur chemin d’artistes
Sur leur filin d’équilibristes,
Leur numéro a des relents

De paradis et de démence,
Ils voguent en oiseaux immenses,
Sous leurs masques immaculés
On pourrait sentir pulluler
Les battements de leurs yeux denses.
Et voilà qu’une mouche intense
S’en vient pour les déboussoler.

L’insecte vrombit et cisaille
Leur partition de funambules
Mais leur talent dort, somnambule
Et triomphe dans la bataille ;

La mouche irritée va pour fuir
En traîtres boucles bourdonnantes,
Assassines et frissonnantes,
Loin de leur iris qu’on voit luire :

Ils sortent, en vainqueurs unanimes
Et les spectateurs médusés
Jettent leurs regards en fusées
Vers les masques de blanche énigme.

Et les serveuses inlassables
Rabattent sur le lourd secret
Le charme nubile et discret
De leur petit corps inclassable.

Hors du temps, sourdes à l’envie
Elles s’activent, inoffensives
Et les trivialités lascives
Jamais du but ne les dévient :
Elles sont comme blanche page
Pour des écrivains coquillages,
Lointaines, tout inaccessibles,
Et qui veut les prendre pour cibles
S’expose en de vils dérapages...
Mais une soudaine fanfare
Vient rompre l’air trop velouté,
Elle envoie ses notes bouter
Sur la scène deux clowns hilares.

Leurs yeux en soucoupe dessinent
Depuis la chute des héros,
Sur le masque de vie pierrot
La tristesse qu’on assassine.


.../...

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